Discussion autour de la Copel (Coordination des prisonniers en lutte) – (extraits)

 

Ce que j’ai retenu de cette situation, c’est que, même lorsque tout semble sous contrôle, il est toujours possible que surgisse spontanément quelque chose de tellement fort que ça déchaîne les réactions, et c’est ce qui s’est passé à Carabanchel. Ils nous ont tous sortis de la rotonde. Nous ne savions pas quoi faire, alors nous nous sommes mis à chanter l’hymne de la Copel qu’un compagnon avait composé en s’inspirant de l’hymne des combattants antifascistes italiens Bella ciao. Nous avons chanté depuis la sixième aile jusqu’au centre de Carabanchel. Alors, petit à petit, le reste des prisonniers qui s’était jusqu’alors maintenu à distance – que ce soit par peur, par intérêt personnel ou pour n’importe quelle autre raison – a décidé de se joindre à nous et a, spontanément, commencé à détruire la prison. Ils se sont mis à péter les toitures, et à peu près un millier de prisonniers sont montés sur les toits de Carabanchel. Nous, nous avons été emmenés à l’infirmerie pour être soignés, mais, voilà, c’était fait : paradoxalement, les prisonniers étaient devenus les maîtres de la prison.

(…) Par ailleurs, une bonne quarantaine de prisons s’étaient également soulevées dans le reste du pays. Dans la plupart d’entre elles, les prisonniers étaient montés sur les toits et, dans beaucoup d’autres, il y avait eu des automutilations collectives. Ça devenait une affaire d’État. (…) Nous nous sommes alors rendu compte que nous pouvions foutre en l’air les prisons, que nous pouvions devenir une force organisée avec un puissant potentiel destructeur. Nous nous organisions sous forme d’assemblées, malgré le danger que cela supposait dans les prisons de l’époque. Nous n’étions influencés par aucun parti, par aucune idéologie. Nous étions issus de milieux différents, mais venions tous des basses couches sociales, avec un niveau d’éducation lui aussi très bas. Il y avait très peu d’universitaires dans les prisons en ces temps-là, du moins parmi les droits-communs, bien sûr… Bref, nous avons à peu près constitué le noyau qu’on pourrait considérer comme le plus actif et le plus engagé, avec une double stratégie : détruire les prisons et obtenir l’amnistie d’un côté et, de l’autre, parvenir à s’évader.

 

 

retour aux extraits du livre