Genèse et apogée de l’Autonomie ouvrière en Espagne (1970-1976) – (extraits)
 

L’année 1970 a été cruciale pour la lutte des classes en Espagne.
(…) Globalement, la classe ouvrière avait suffisamment gagné en maturité pour remettre en question la nécessité d’une avant-garde dirigeante et l’utilisation des tactiques légalistes caractéristiques de l’époque antérieure. L’expérience collective dans les usines avait élevé le niveau de conscience et posait des problèmes comme ceux de l’auto-organisation, des objectifs et des tactiques de lutte. Le réformisme qui avait jusqu’alors dominé le mouvement ouvrier était fortement remis en question. Beaucoup de travailleurs refusaient aussi bien la tutelle des partis et des organisations que les méthodes de lutte basées sur le suivisme de la négociation. Ils ne voulaient rien savoir de l’Organisation syndicale franquiste. Afin de se protéger de la répression policière, les meneurs s’éclipsaient au milieu des assemblées et les militants agissaient à partir de comités clandestins. Limiter la lutte à la négociation des conventions, comme le voulait la tendance stalinienne des Commissions, ne leur plaisait pas. À la fin des années 60, les Comités d’usine ou d’entreprise ont fait leur apparition au Pays basque. En périphérie de Barcelone, des expériences d’organisation éphémères telles que les Plateformes de commissions (Plataformas de Comisiones) ou les Commissions ouvrières indépendantes (Comisiones Obreras Independientes) poussaient à la participation aux conflits et à sa gestion collective.
(…) En 1974, le nombre de grèves triplait, et une grande part d’entre elles éclataient par solidarité. On comptait beaucoup plus de grèves en Espagne que dans le reste de l’Europe, où elles étaient pourtant légales. Les ouvriers faisaient preuve d’une forte combativité et agissaient sans tenir compte des délégués syndicaux, des briseurs de grève, des cadres ou des balances. Être conservateur, dans certaines localités, pouvait coûter cher.

 

 

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