Les groupes autonomes à Valence pendant la seconde moitié des années 70 – (extraits)

 

Dans la pratique, tous ces groupes étaient effectivement autonomes les uns des autres, même à l’échelle d’une ville. Chaque individu et chaque groupe décidait des actions à mener sans accepter aucune autorité ou hiérarchie. Ils se mettaient d’accord pour réaliser des actions et partageaient aussi bien les armes et autres matériaux que les techniques ou les informations nécessaires. Tout cela était mis en commun et à la disposition de chaque groupe pour que chacun soit prêt à « se lancer », c’est-à-dire à agir pour son propre compte et à ses propres risques. La confiance s’estimait en fonction des relations personnelles et de la participation aux luttes en cours. Ces groupes n’ont toutefois jamais constitué une organisation fixe et le terme de « groupes autonomes » ou le mot « autonomie » étaient à peine utilisés, pas plus dans les revendications des actions qu’au cours des discussions en interne. Il était courant de se représenter celui qui parle le plus de l’autonomie – ou de l’anarchie – ou qui prétend l’incarner comme celui qui a le moins de chance de l’atteindre vraiment, et qui pourrait même en devenir l’ennemi. Le concept de « propagande par le fait » ne leur était pas étranger, mais ils n’agissaient pas en fonction de la répercussion spectaculaire des actions. De fait, ils n’ont jamais eu recours à un sigle ou à un nom permanent et certaines actions n’étaient même pas revendiquées. (…) Ils cherchaient à exprimer leur refus du système capitaliste à travers des actions significatives, afin que ceux qui pensent et ressentent les choses de la même manière sachent qu’ils existent, et dans l’espoir de se retrouver ensemble dans la lutte.
(…) On y retrouvait des travailleurs qui avaient vécu des expériences de grève ou de lutte, des personnes qui avaient déserté le service militaire ou étaient recherchées, des gens qui vivaient au jour le jour en essayant de fuir le travail salarié, survivant à coups de magouilles, de vols dans les supermarchés, etc. D’autres encore participaient depuis un certain temps à des actions de solidarité avec les prisonniers autonomes, ou à des comités de soutien à la Copel, ou à d’autres activités solidaires de la lutte des détenus contre la prison. D’autres étaient depuis peu sortis de taule, où ils avaient participé aux luttes qui s’y déroulaient, d’autres étaient en cavale… On peut dire que nous étions tous en train de fuir quelques chose : le service militaire, l’usine, le travail, l’école, la famille, la religion, l’idéologie, la prison, la société…

 

 

retour aux extraits du livre